Soft power et jeux d’influence

Valery Mainjot
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7/9/2022

La principale règle du jeu appliquée dans les démarches de soft power est que la capacité d’influencer, de persuader, soit effectuée sans que la cible ait l’impression d’être contrainte ou manipulée. Le soft power utilise pour cela les supports immatériels que sont les médias et les vecteurs culturels. Ce type d’actions est le fait d’organisations publiques ou privées dont l’intérêt est de convaincre plutôt que de contraindre. Il s’agit, en évaluant très précisément la portée de sa démarche, d’emporter l’adhésion autrement dit, idéalement, de gagner sans combattre.

Quels arguments pour le soft power français

Le soft power français s’appuie tout naturellement sur ses points de force économiques et culturels. Il s’agit pour le pays de faire valoir ses atouts et d’attirer ainsi des acteurs comme les touristes et les investisseurs.

LaFrance compte de nombreux ambassadeurs de ses qualités à l’étranger. Notons principalement pour les aspects culturels, la cuisine et ses chefs renommés, le patrimoine architectural, la langue française, sa littérature et son attractivité éducative.

Si l’on s’arrête sur la langue française comme vecteur d’influence, on notera la présence dans plus de 130 pays dans le monde de 98 Instituts français et de plus de 800 Alliances françaises. Ce réseau d’influence est destiné à la promotion de la culture et de la langue françaises à l’étranger. Le chiffre de 51 millions d’apprenants du français dans le monde est avancé.Cette action doit permettre de s’appuyer sur des acteurs économiques parlant notre langue à l’étranger, mais également de fournir des ressources bilingues aux entreprises internationales françaises.

Il faut également compter sur les formations proposées par les institutions publiques et privées qui accueillent environ 250 000 étudiants étrangers comme potentiels acteurs économiques ou culturels. La France est en compétition avec les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine et d’autres sur cet aspect essentiel du rayonnement international.

La « machine de guerre » américaine

Les États-Unis ont développé trois méthodes et organisations pour agir :

-       Les Think Tanks pour répandre des idées

-       Les Lobbies pour défendre des intérêts auprès des dirigeants (ou Relations Publiques pour le grand public.)

-       Les ONG (Organisations NonGouvernementales à but non lucratif) pour mettre en avant des causes et susciter l’intervention.

Les centres de pouvoir fourmillent littéralement d’organisations de cette nature, destinés à justifier les prises de décision qu’elles soient politiques, stratégiques ou économiques. Les ONG quant à elles, présentes sur le terrain et sous couvert de la respectabilité morale, se prêtent à de puissants effets de levier.

Le pays a par ailleurs largement utilisé l’outil culturel de« l’American Way of life », du cinéma aux fast foods, pour répandre sa vision du bonheur par la consommation.

Après la chute du Mur, les interventions américaines à la tête de coalitions internationales ont usées et abusées de techniques de fabrication du consentement, sans trop se soucier des questions morales.

La Chine à la manœuvre

Bien consciente de l’importance du soft Power dans sa stratégie de conquête, laChine déploie toute la panoplie des actions requise pour soigner sa réputation.Malgré cela, du fait d’éléments de contre-image forts, la Chine n’attire pas et suscite la défiance voire l’hostilité. Même l’Afrique, terre de toutes les attentions de la diplomatie chinoise, n’est pas épargnée par le «China-bashing».

Le pays en constituant un puissant relais culturel avec les InstitutsConfucius, en développant les nouvelles routes de la soie accompagnées de programmes d’investissements tous azimuts, propose un modèle de développement, mais ne donne pas envie d’adopter son mode de vie et encore moins d’y vivre. Elle est perçue comme une menace et non comme un allié.

Les réseaux sociaux ou la naissance du monstre ?

L’évolution du soft power est à mettre en parallèle avec l’évolution des technologies de l’information.

Dans les années 2000, Internet, avec son imaginaire de la nouvelle société, véhicule encore une vision américaine du monde, un mix d’optimisme technologique et de libéralisme économique et culturel.

A partir de 2010, et du printemps arabe, la puissance de conviction véhiculée par les réseaux sociaux laisse entrevoir un modèle de mobilisation démocratique qui apparait comme salutaire.  

La suite de l’histoire s’écrit avec Donald Trump et l’avènement du mensonge de masse dans des proportions inédites.

Le soft power semble dépassé par ce phénomène qui renverse tout sur son passage y compris la démocratie et qui sait, peut-être la paix.