L’automobile, un bien devenu rare et cher ?

Valéry Mainjot
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7/9/2022

Le marché avait déjà reculé de 25,48 % en 2020 comparé à 2019, il n’a guère fait mieux en 2021. Pénalisés par la crise des semi-conducteurs consécutive à la pandémie, les consommateurs attendent aussi bien leur commande que de prendre une décision d’achat. Cet attentisme général ne favorise pas une reprise du secteur attendue par les industriels et les salariés.

Une production impactée par la crise des semi-conducteurs

Le secteur de la microélectronique a été l’un des premiers domaines d’activité largement mondialisés en recherche comme en production. Il est donc entièrement soumis aux aléas de la demande internationale.

Le cycle de recherche est particulièrement long et coûteux, par ailleurs, il nécessite énormément d’eau dans son cycle de production qui se concentre en Asie, essentiellement à Taïwan et en Corée du Sud.

Or, la pandémie mondiale de Covid-19 a mis à l’arrêt plusieurs usines de fabrication, et ce, dès le printemps 2020. De son côté, la météo a été particulièrement défavorable avec une phase de sécheresse sévère sur la période.  

A cela s’ajoute encore un effet de marché. Avec la généralisation du télétravail et le nombre accru d’heures passées à domicile, les consommateurs n’ont cessé de consommer des articles électroniques de bureautique et de loisir permettant de travailler et de se distraire chez eux.

Aussi, les fabricants de semi-conducteurs ont priorisé la production à destination des objets électroniques personnels plutôt que pour le secteur automobile.

La demande en voiture est repartie, mais l’industrie automobile manque en conséquence de semi-conducteurs, pourtant essentiels à un véhicule, du freinage à la direction en passant par la gestion du moteur. En deux ans, le marché a donc dévissé de 555 275 unités, soit une baisse de 25 %. Il faut remonter à 1975 pour retrouver un marché aussi bas.

Le groupe Renault enregistre la plus forte baisse, Stellantis, ne faisant guère mieux et Citroën limite la casse, Dacia quant à elle s’envole de 28,9 %.

Les prévisions pour 2022 sont en faible hausse de 3,7 % en raison de la poursuite de la pandémie et des problèmes d’approvisionnement en semi-conducteurs. Il faudra être particulièrement vigilant et rester en veille permanente sur les évolutions de la situation.

Peur sur l’emploi

Ce sont désormais les conséquences des baisses importantes de ventes qui risquent de poser problème.

Dans les réseaux, les primes de vente n’étant souvent attribuées qu’à la livraison des véhicules, les vendeurs se trouvent directement pénalisés par les difficultés d’approvisionnement et de livraison aux clients.

Malgré l’aide des concessionnaires, une menace bien réelle plane sur l’emploi.

Cette inquiétude est d’autant plus présente que l’on peine à évaluer la date de sortie de tunnel concernant les pénuries de semi-conducteurs et le retour à une production stabilisée.

Des produits toujours plus chers et donc de moins en moins accessibles

La réalité se mesure. Le niveau de vie médian des Français est passé d’un indice 100 à 108 entre 2006 et 2020, tandis que le prix de vente des voitures neuves passait de 100 à… 136. Il faut plus de 17 mois de SMIC pour acquérir une voiture neuve en moyenne, contre 14,7 en 2010. L’automobile redevient-elle un produit de luxe ?

Conséquence induite, l’acquisition de voitures neuves par les particuliers baisse de 7,6 %, malgré la reprise post confinement de l’économie et de la consommation.

Cette faiblesse de la part des particuliers dans le véhicule neuf (depuis 2009 de 67 % à 46 % aujourd’hui) se reporte sur l’occasion, les loueurs longue durée et les véhicules d’entreprises (+ 10 %en 2021)

L’Automobile poursuit sa transformation avec des modèles toujours plus verts.

Les transformations annoncées dans les années 2010sont devenues une réalité : connectivité, autonomie, électrification, transition énergétique… Les constructeurs automobiles n’en sont plus au stade des promesses, mais désormais attendus sur des actes.

Sous la pression de la réglementation européenne et des fiscalités nationales, les immatriculations neuves de véhicules100 % électriques ont poursuivi leur décollage avec un gain de 46,1 %pour atteindre 9,8 % de part de marché (6,7 % en 2020). Celles des hybrides rechargeables ont pratiquement doublé avec 88,9 % de hausse et8,5 % de part de marché (4,5 % en 2020).

L’automobile entre à marche forcée dans le troisième millénaire. Entre transformation technologique et désorganisation industrielle face aux pénuries de semi-conducteurs, le secteur souffre et se fragilise. En conséquence, ce qui devient rare devient cher, selon l’adage bien connu.